Les techniques nucléaires peuvent être utilisées pour analyser des éléments de preuves scientifiques liées à des crimes, qu’il s’agisse de trafic de drogue, de meurtres ou de contrefaçons d’œuvres d’art. Les techniques de rayons X, l’analyse par activation neutronique, l’analyse par faisceaux d’ions et la datation au carbone figurent parmi les méthodes les plus couramment utilisées en criminalistique en complément des méthodes plus classiques. Au moyen de l’analyse des propriétés chimiques et physiques des matériaux en complément d’autres preuves scientifiques, telles que l’ADN ou les empreintes digitales, ces techniques contribuent à établir un lien entre les éléments prélevés sur le lieu d’un crime ou d’un délit et les auteurs des faits.
Comment les techniques nucléaires aident-elles les enquêtes criminelles ?
Les techniques nucléaires peuvent être utilisées pour analyser des éléments de preuves scientifiques liées à des crimes, qu’il s’agisse de trafic de drogue, de meurtres ou de contrefaçons d’œuvres d’art.
Comment les techniques nucléaires aident-elles les enquêtes ?
Les techniques nucléaires aident les spécialistes à analyser des traces microscopiques de pièces à conviction comme des composants de peinture ou un cheveu. Ces techniques permettent de révéler des informations qui n’auraient pas pu être décelées autrement, par exemple l’âge réel d’une œuvre d’art contrefaite ou le fait de savoir si une personne a été empoisonnée ou non. En outre, les techniques nucléaires ont des effets bien moins destructeurs que d’autres méthodes d’analyse, telles que l’utilisation de substances chimiques qui peuvent altérer l’état d’origine d’éléments de preuve fragiles, par exemple un éclat de verre minuscule. Ainsi, une fois qu’ils ont été analysés à l’aide de techniques nucléaires, les éléments de preuve fragiles peuvent être préservés en vue d’une analyse ultérieure.
Techniques de rayons X en criminalistique
Les rayons X sont l’un des outils d’analyse les plus utilisés en criminalistique. Les techniques d’émission de rayons X sont sensibles et fiables – elles peuvent être utilisées sur des éléments de preuve minuscules et, dans la plupart des cas, sans les détruire. Les techniques de rayons X donnent généralement des résultats en quelques minutes et il est possible de réaliser plusieurs analyses rapidement. En outre, les appareils à rayons X portatifs peuvent être transportés facilement, ce qui permet d’utiliser cette technologie sur place dans le cadre des enquêtes.
Les techniques de rayons X peuvent aider à détecter la présence d’éléments et à en mesurer la concentration dans pratiquement tous les types de matières et de matériaux. Elles permettent d’analyser la composition du sol, des stupéfiants ou des minéraux et d’en déterminer la provenance. Les rayons X sont également utiles pour les examens comparatifs de peintures, de métaux ou de résidus de tir ainsi que pour les examens médicaux.
Les scientifiques utilisent des appareils tels que le spectromètre à fluorescence X ou le synchrotron pour bombarder l’échantillon à analyser de faisceaux de rayons X. Les faisceaux stimulent les atomes de l’échantillon qui libèrent un rayonnement pouvant être détecté et utilisé pour identifier l’élément d’où proviennent les atomes.
Les rayons X aident à mettre en évidence des crimes. Aux États-Unis, dans l’affaire photographiée ci-dessus à la fin des années 1970, le ministère public a comparé une morsure sur le corps d’une victime aux radiographies dentaires d’un accusé pour obtenir sa condamnation. (Photo : Collection photographique de l’État de Floride).
L’analyse par activation neutronique (AAN) en criminalistique
L’analyse par activation neutronique est une technique qui utilise l’interaction entre un flux de neutrons et la matière à l’étude pour déterminer « l’empreinte des éléments » d’un échantillon, c’est-à-dire sa composition isotopique exacte qui donne des informations sur son âge et son origine.
Lors d’une AAN, les échantillons sont bombardés de neutrons. Les atomes libèrent alors des particules et/ou des rayonnements qui peuvent être captés et analysés par un détecteur spécialisé. Cette technique permet de déterminer la composition de l’échantillon, de le dater et de savoir d’où il provient. L’AAN est généralement utilisée pour analyser la composition des balles afin d’en déterminer l’origine à partir d’échantillons très réduits. En outre, l’analyse effectuée à l’aide de cette technique permet de révéler la composition de la fibre des cheveux, ce qui peut apporter de nouveaux éléments dans une affaire – par exemple, la présence de stupéfiants ou d’autres substances toxiques dans le corps.
L’AAN peut également être utilisée pour déterminer l’origine des aliments de qualité supérieure et identifier les produits de contrefaçon, par exemple les truffes, en les irradiant de neutrons et en détectant le rayonnement gamma émis par les noyaux atomiques des éléments chimiques présents dans un échantillon réduit. Une fois le rayonnement détecté, il est possible d’établir un lien entre les éléments de l’échantillon et un lieu particulier. Cette technique permet aussi de déterminer l’authenticité d’autres produits alimentaires de qualité supérieure.
Les enquêteurs utilisent l’AAN depuis des décennies pour déterminer avec précision la quantité d’un élément chimique ou d’isotopes spécifiques d’un élément contenue dans un échantillon de preuve judiciaire, telle qu’une balle. (Infographie : A. Vargas/AIEA)
L’analyse par faisceaux d’ions en criminalistique
Parmi les méthodes nucléaires qui sont de plus en plus utilisées dans les enquêtes criminelles figure l’analyse par faisceaux d’ions. Pour ce type d’analyse, des accélérateurs de faisceaux d’ions sont utilisés pour accélérer les ions ou les électrons et ainsi produire un faisceau de particules chargées. Placés dans le faisceau d’ions, les éléments de preuve scientifiques émettent un rayonnement qui peut être capté et analysé. L’utilisation d’ions permet aux enquêteurs de connaître la composition et l’origine de l’élément de preuve, ce qui leur permet d’analyser les stupéfiants, les explosifs et les résidus de tir, ainsi que les faux objets d’art ou historiques. La détermination de l’âge et de la composition des éléments de preuve renforce leur force probante dans les enquêtes.
L’analyse des résidus de tir, par exemple, peut aider dans les enquêtes sur des crimes violents impliquant l’usage d’armes à feu. Un résidu de tir est une nuée de fumée et de particules libérées par l’explosion d’une cartouche d’arme à feu. Les techniques nucléaires, telles que l’analyse par faisceaux d’ions, permettent de détecter les composés inorganiques libérés par le tir et les particules minuscules qui se sont déposées sur des éléments en lien avec le coup de feu (par exemple, sur les mains ou les vêtements du suspect) pour identifier l’auteur du tir.
L’analyse par faisceaux d’ions permet aux enquêteurs de réaliser la cartographie des éléments, ce qui facilite l’analyse d’éléments de preuve spécifiques et permet de déceler d’infimes traces de substances mettant en cause l’auteur des faits, telles que des particules microscopiques de résidus sur de toutes petites surfaces de vêtements.
Des faisceaux d’ions ont également été utilisés pour analyser des fragments de verre issus d’accidents avec délit de fuite et pourrait être utile dans les enquêtes sur des crimes en lien avec des véhicules. Des études montrent que si l’on combine l’analyse par faisceaux d’ions à l’apprentissage automatique pour analyser des fragments de verre des vitres d’une voiture, il est possible d’identifier la marque et le modèle du véhicule avec une précision allant jusqu’à 80 %.
L’analyse non destructive par faisceaux d’ions d’objets d’art a été utilisée à l’Institut Jožef Stefan en Slovénie. Consultez cet article pour en savoir plus sur l’utilisation des techniques nucléaires pour étudier et préserver des objets d’art et du patrimoine culturel (Photo : JSI/Ziga Smit)
La datation au carbone en criminalistique
La datation au carbone est une méthode qui utilise un isotope du carbone – le carbone 14 – pour déterminer l’âge réel d’objets anciens composés de matières organiques et détecter les contrefaçons d’œuvres d’art. Cette technique permet de déterminer l’âge d’objets datant au plus de 50 000 ans et a déjà aidé un certain nombre d’enquêteurs à déterminer l’authenticité de tableaux, de statues et d’autres objets historiques de valeur.
Par exemple, en 2019, des experts ont utilisé la datation au carbone pour identifier les contrefaçons de deux toiles célèbres – l’une impressionniste et l’autre pointilliste. L’analyse des fibres des toiles a révélé qu’elles avaient été fabriquées après la mort des artistes supposés, ce qui a permis de déterminer qu’il s’agissait de contrefaçons.
Ce spectromètre de masse par accélérateur, installé au Centre de datation et de diagnostic de l’Université de Salento, est utilisé pour la datation au carbone d’échantillons. (Photo : Université de Salento)
Autres méthodes
D’autres techniques nucléaires courantes peuvent également être utilisées dans les enquêtes, par exemple l’analyse des isotopes stables pour déceler la fraude alimentaire.
L’analyse des isotopes stables est une technique utilisée pour déterminer l’origine et l’authenticité de différentes denrées alimentaires, ce qui permet aux spécialistes de détecter l’adultération de ces denrées et de poursuivre les personnes impliquées (par exemple, la vente d’aliments de mauvaise qualité sous des labels de qualité supérieure à des prix élevés). Les isotopes stables sont mesurés à l’aide d’appareils spécialisés pouvant détecter les différences les plus infimes entre les proportions d’isotopes lourds et légers. Ce type d’analyse peut fournir des preuves concernant un type de denrée alimentaire particulier afin de vérifier qu’il provient de la région adéquate et qu’il est réellement composé des ingrédients affichés sur l’étiquette (par exemple, détection des sirops de sucre ajoutés au miel).
Quel est le rôle de l’AIEA ?
- L’AIEA contribue à la mise au point et à l’application de nouvelles techniques nucléaires à des fins d’analyse. L’AIEA élabore et fournit des outils d’analyse nucléaire innovants et des cadres y afférents pour répondre aux besoins des différents pays.
- Grâce à son réseau mondial de laboratoires nucléaires nationaux, l’AIEA fournit concrètement des outils aux experts en criminalistique et aux enquêteurs au travers de son programme de coopération technique et de ses projets de recherche coordonnée.
- L’AIEA propose des cours d’apprentissage en ligne axés sur l’application des techniques nucléaires dans le domaine des sciences du patrimoine culturel et de la criminalistique.
- Au travers de ses projets de recherche coordonnée (PRC), l’AIEA étudie la manière dont les techniques nucléaires d’analyse peuvent être utilisées pour obtenir des informations sur l’origine et l’authenticité des denrées alimentaires, évaluer l’authenticité des œuvres d’art et analyser les éléments de preuve sur le lieu d’un crime.
- L’AIEA soutient également les pays en leur fournissant une assistance technique pour le renforcement des capacités en criminalistique au travers de formations, de missions en résidentiel, et d’avis et de consultations scientifiques.
- L’AIEA s’efforce de combler l’écart entre les scientifiques, les services chargés de l’application de la loi et les spécialistes de criminalistique afin d’améliorer la prévention et la lutte contre les activités criminelles dans le monde entier en utilisant la science et la technologie nucléaires.
- L’AIEA publie des documents pour diffuser les informations relatives à l’utilisation des différentes techniques nucléaires et aux possibilités qu’elles offrent pour les enquêtes et la détection des fraudes.
- L’AIEA collabore avec d’autres organismes du système des Nations Unies tels que l’ONUDC, l’UNICRI, l’ONUDI, la FAO et d’autres partenaires internationaux afin de promouvoir les techniques nucléaires d’analyse en criminalistique.
Nuclear techniques can help specialists analyse microscopic traces of incriminating evidence samples, such as elements in paint or a single hair. This can help to uncover information which could not be discovered otherwise, for example, the true age of forged art pieces or whether an individual was poisoned. Moreover, nuclear techniques are considerably less destructive compared to other methods, such as the use of chemicals for analysis, which can alter the original condition of fragile evidence, for example a tiny shard of glass. Therefore, after being analysed with nuclear techniques, fragile evidence can still be preserved for further analysis.
X-ray Techniques in Forensics
The use of X-ray radiation is one of the most widely used analytical tools in forensics. X-ray emission techniques are sensitive and reliable — they can be applied to very small samples, and in most cases do not destroy the evidence. X-ray techniques tend to produce results in minutes, and multiple analyses can be carried out quickly. In addition, portable X-ray equipment can be easily transported, which enables this technology to be used in on-site investigations.
X-ray techniques can help to detect the presence of, and measure the concentration of, elements in virtually all types of material. They can help analyse the material composition of soil, drugs or minerals and determine their source. X-rays also help in comparative examinations of paint, metals or gunshot residues, and in medical examinations.
Scientists use devices such as X-ray fluorescence spectrometers or synchrotrons to bombard a sample of the test material with X-ray beams. The beams interact with the atoms of the sample, releasing radiation, which can be detected and used to identify the element from which the atoms originated.
X-rays have helped to uncover crimes throughout history. (Photo: Florida State Photographic Collection).
Neutron Activation Analysis (NAA) in Forensics
Neutron activation analysis is a technique which uses the interaction between a flux of neutrons and the material being studied to determine the “elemental fingerprint” of a sample — in other words the exact isotopic composition that provides information about its age and origin.
During NAA, when samples are bombarded with neutrons, their atoms release particles and/or radiation, which can be picked up and analysed by a specialized detector. This can help to determine what the sample is it made of, how old it is and where it came from. NAA is usually used to analyse the material composition of bullets in order to trace their origin, using very small samples. In addition, analysis using this technique can reveal the elemental composition of hair, which may help to uncover new details about a case — for example, the presence of drugs or other toxic substances in the body.
NAA can also be used to establish the origin of premium foods and identify counterfeit products, for example truffles, by irradiating them with neutrons and detecting the gamma radiation emitted by the atomic nuclei of the chemical elements in a small sample of the truffle. When this radiation is detected, it can help to match the elements in the sample to a particular location. It can also be used to determine the authenticity of other premium food products.
NAA has been used by investigators for decades, helping to determine the precise quantity of a chemical element, or specific isotopes of an element, in a sample of criminal evidence — such as a bullet. This technique was used in forensic investigations of the assassination of US President John F. Kennedy. (Infographics: A. Vargas/IAEA).
Ion Beam Analysis (IBA) in Forensics
Ion beam analysis (IBA) is another nuclear method gaining ground in criminal investigations. For this kind of analysis, ion beam accelerators are used to speed up ions or electrons, producing a beam of charged particles. When samples of forensic evidence are placed into the ion beam, they emit radiation which can be picked up and analysed. Using ions enables investigators to understand the composition and origin of the sample, which can help to analyse drugs, explosive and gunshot residues, fake historical artifacts or art. Determining the age and composition of samples means they can be more effectively used as evidence in investigations.
Gunshot residues, for example, can help to investigate violent crimes involving firearms. A gunshot residue is a cloud of vapours and particles released from the explosion of a cartridge in a firearm. Nuclear techniques, such as ion beam analysis, help to detect the inorganic components originating from the shot to detect tiny particles on items related to a shooting (e.g. on the suspect’s hands or clothes) in order to confirm the identity of the shooter.
IBA enables investigators to conduct elemental mapping, which helps in the analysis of specific parts of the evidence and detects tiny traces of incriminating substances, such as microscopic particles of residues on particularly small parts of clothing.
Ion beams have also been used to analyse glass shards from hit and run accidents, which could prove useful in investigations of crimes involving vehicles. Studies show that through a combination of IBA and machine learning, glass fragments from car windows can be traced back to various car models and manufacturers with up to 80 per cent accuracy.
Non-destructive ion beam analysis of art objects has been used at the Jožef Stefan Institute in Slovenia. Read this article to learn more about the use of nuclear techniques for studying and preserving objects of cultural heritage and art (Photo: JSI/Ziga Smit)
Radiocarbon Dating in Forensics
Radiocarbon dating is a method which uses an isotope of carbon — carbon-14 — to determine the true age of ancient objects, made of organic materials, and detect forgeries of art pieces. This technique can determine the age of objects up to 50 000 years old and has already helped a number of investigations to determine the authenticity of paintings, statues and other valuable historical objects.
For example, in 2019 experts used radiocarbon dating to identify forgeries of two well-known paintings — one Impressionist and one Pointillist. Analysis of the canvas fibres revealed that they were manufactured after the death of the purported artists, which helped to determine that the paintings were fake.
This accelerator mass spectrometer, installed at the University of Salento's Centre for Dating and Diagnostics (CEDAD), is used for radiocarbon dating of samples. (Photo: University of Salento)
Other methods
Other common nuclear techniques can also be used in investigations, for example the use of stable isotope analysis for food fraud detection.
Stable isotope analysis is a technique used to determine the origin and authenticity of different foods, enabling specialists to detect and prosecute individuals involved in food adulteration (e.g. selling low-quality food under premium labels for high prices). Stable isotopes can be measured with specialized equipment, which can detect the tiniest differences in the ratios of a chemical element’s light and heavy forms. Such analysis can provide evidence about a particular type of food in order to make sure it is coming from the right region and uses authentic ingredients described on the label (e.g. detecting sugar syrups added to honey).
What is the Role of the IAEA?
- The IAEA contributes to the development and application of novel nuclear techniques for analytical purposes. The Agency develops and delivers innovative nuclear analytical tools and related frameworks to support the needs of different countries.
- Using its worldwide network of national nuclear laboratories, the IAEA provides concrete tools to forensic experts and investigators through its Technical Cooperation Programme and Coordinated Research Projects.
- The IAEA provides e-learning courses, focusing on the application of nuclear techniques in the field of Cultural Heritage and Forensic Sciences.
- Through its Coordinated Research Projects (CRP) the IAEA studies how nuclear analytical techniques can be used to obtain information on food origin and authenticity, to assess art authenticity and to analyse evidence in crime scenes.
- The IAEA also supports countries by providing technical assistance on forensics capacity building in the form of trainings, residential assignments, scientific advisories and consultations.
- The IAEA is working to bridge the gap between scientists, law enforcement and the forensic community to improve prevention and countering of criminal activities around the world using nuclear science and technology.
- The IAEA produces published materials to spread awareness about the use of different nuclear techniques and benefits they bring for investigations and detection of fraud.
- The IAEA is working with other UN organizations like UNODC, UNICRI, UNIDO, FAO, and other international partners to foster nuclear analytical techniques for forensic applications.
This article was first published on 21 July, 2023