Qu’est-ce que la sélection par mutation ?

Le nucléaire expliqué

La sélection des plantes par mutation, également appelée sélection par variation, est un procédé qui fait appel à des techniques d’irradiation ou à des moyens chimiques pour induire une variation phytogénétique spontanée afin de créer de nouvelles variétés de cultures. La « mutation » est à l’origine de la plupart des variations génétiques et constitue le moteur de l’évolution.

L’irradiation permet de mettre au point des variétés de plantes aux propriétés améliorées, qui se distinguent ainsi par de meilleurs rendements, une croissance plus rapide ou une résistance aux effets du changement climatique, aux maladies et à d’autres facteurs de stress. (Infographie : Adriana Vargas/AIEA)

La sélection des plantes par mutation, également appelée sélection par variation, est un procédé qui fait appel à des techniques d’irradiation ou à des moyens chimiques pour induire une variation phytogénétique spontanée afin de créer de nouvelles variétés de cultures. La « mutation » est à l’origine de la plupart des variations génétiques et constitue le moteur de l’évolution. Il s’agit d’un processus naturel qui touche, de manière spontanée et lente – il s’étend sur plusieurs générations – aussi bien l’être humain que les espèces végétales ou animales et tous les êtres vivants, et qui se traduit par une altération de leur ADN, entraînant de ce fait des modifications de leur organisme. La mutation peut être accélérée par des méthodes chimiques ou physiques, comme les rayonnements (l’« irradiation »), afin d’obtenir des propriétés qui puissent être bénéfiques, dans le domaine de l’agriculture par exemple.

L’irradiation permet de mettre au point des variétés de plantes dotées de meilleures qualités, dont les rendements sont plus élevés et le temps de croissance plus court, et qui résistent aux maladies, aux parasites et aux effets du changement climatique, comme les phénomènes météorologiques extrêmes. La mise en culture de ces variétés végétales et leur diffusion de plus en plus large contribuent à stabiliser la production alimentaire mondiale et apportent une réponse aux besoins des agriculteurs, notamment dans les pays en développement et les régions plus vulnérables aux conséquences du changement climatique.

Les variétés végétales issues d’une sélection par irradiation sont tout aussi saines que celles provenant d’une sélection conventionnelle ou assistée par marqueurs, l’irradiation ne se transmettant pas aux générations suivantes de la nouvelle variété obtenue. Les plantes peuvent ainsi faire l’objet de sélections successives sur plusieurs générations afin d’obtenir le meilleur résultat possible sans subir de dommages ni devenir radioactives.

La base de données de l’AIEA sur les variétés de mutants comprend plus de 3 000 variétés homologuées dans 70 pays. Pour en savoir plus, voir les exemples donnés pour Maurice, la Namibie, l’Ouganda et d’autres pays.

Comment l’irradiation favorise-t-elle l’accélération du développement des plantes ?

La sélection par mutation repose sur des variations génétiques induites au début du processus de sélection, l’objectif étant de développer rapidement d’importantes populations de plantes améliorées, qui peuvent être soumises à de nouveaux processus de sélection jusqu’à obtention du résultat escompté. Cela confère à la sélection par mutation plusieurs avantages comparatifs : en plus d’être rentable, rapide, éprouvée et robuste, cette méthode est transférable, peut être appliquée partout, ne comporte aucun risque et est respectueuse de l’environnement.

De plus, elle a résisté à l’épreuve du temps – des variations génétiques spontanées sont induites par irradiation en laboratoire depuis des décennies.

L’exposition aux rayonnements modifie l’ADN en augmentant les taux de mutation de 1 000 à 1 million de fois, ce qui permet de sélectionner plus efficacement les plantes et de mettre plus rapidement au point davantage de variations végétales cultivées. Une nouvelle variété de coton aux performances agronomiques améliorées et produisant des fibres de meilleure qualité a ainsi été développée en 2021 au Bangladesh, en seulement cinq ans.

Le processus de sélection par mutation comporte deux étapes : l’induction de mutations et la sélection des mutants.

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Comparativement au blé normal (à droite), la variété de blé mutant à floraison précoce (à gauche) mûrit plus vite. (Photo : AIEA)

L’induction de mutations

L’induction de mutations est un processus consistant à accélérer, par des facteurs biologiques, chimiques ou physiques, la mutation naturelle spontanée en vue d’améliorer les propriétés souhaitables ou recherchées d’une plante. Sont notamment mis à contribution à cet effet, sans que cette liste soit limitative, des virus et bactéries (facteurs biologiques), des antibiotiques et agents alkylants (facteurs chimiques) ou encore les rayonnements ionisants (facteurs physiques). Ce sont le plus souvent les semences que l’on irradie pour induire des mutations, mais il arrive, lors de certaines expériences, que des plantes entières, de jeunes pousses ou une partie seulement de la plante – pollen, spores ou tige – soient irradiées. Si les mutations qui en résultent ne sont pas éliminées par le mécanisme de réparation cellulaire propre à la plante, la mutation devient héréditaire. Les plantes présentant les mutations les plus prometteuses font l’objet de nouvelles sélections, jusqu’à ce que les chercheurs trouvent une variante sensiblement améliorée susceptible de répondre aux besoins des agriculteurs.

Les scientifiques ont généralement recours, pour procéder à l’irradiation des plantes, à des technologies spécifiques telles que des sources radioactives au cobalt 60 ou un appareil à rayons X. Les rayons gamma émis par une source de cobalt 60 ont été l’agent mutagène le plus utilisé au cours des dernières décennies. D’autres types de rayonnements tels que les particules alpha et bêta , les neutrons rapides ou les ultraviolets, se sont également révélés utiles pour l’induction de mutations dans les espèces végétales. L’irradiation par faisceaux d’ions et l’exposition au rayonnement cosmique sont également de plus en plus utilisés à cette fin, l’idée étant d’explorer les avantages de ces méthodes par rapport aux autres types d’irradiation.

Une serre à rayons gamma en Malaisie, utilisée pour l’irradiation des plantes. (Photo : Mission permanente des États-Unis d’Amérique auprès des organisations internationales à Vienne)

La sélection des mutants

La sélection des mutants consiste à identifier les plantes qui ont été améliorées à l’issue d’une mutation induite par irradiation. Les mutations se produisent à de si faibles fréquences qu’il faut, pour obtenir une propriété recherchée, irradier un grand nombre de graines, les semer et multiplier les sélections sur plusieurs générations. La durée de ce processus varie, tant il est vrai que la mise au point et l’analyse d’une population de mutants, composée souvent de plusieurs milliers de plantes, représentent une tâche complexe, qui dépend de la variété cultivée.

L’identification et le choix de nouvelles variétés végétales aux propriétés améliorées comportent deux grandes étapes : la sélection et la validation. La sélection et la validation des caractéristiques visibles et facilement mesurables d’une nouvelle variété de culture, telles que la floraison précoce ou la petite taille, sont simples à réaliser. D’autres propriétés, qui ne sont pas aussi facilement identifiables, nécessitent la mise en place et l’application de procédures de sélection spécifiques, comme la tolérance au sel en milieu hydroponique ou le dépistage des maladies végétales.

Les chercheurs de l’Agence indonésienne de l’énergie nucléaire (BATAN) ont recours à l’irradiation pour induire des modifications génétiques dans les cultures et sélectionner ensuite des plantes dotées de propriétés nouvelles et utiles. (Photo : Yustantiana/BATAN)

L’induction de mutations dans l’espace : en quoi l’espace influe-t-il sur la biologie végétale ?

L’espace est considéré comme le milieu le plus rude qui soit pour les cultures, car les semences, les plantes et les matières végétales y subissent les effets du rayonnement cosmique et de la microgravité. En revanche, les rayons cosmiques peuvent contribuer à générer des mutations susceptibles d’accroître la résistance de diverses variétés de plantes aux conditions sur Terre, qui se dégradent en raison du changement climatique et d’autres facteurs de stress.

La mutagenèse spatiale est une technique qui utilise les rayons cosmiques  pour induire des mutations spontanées. Elle consiste généralement à envoyer des semences végétales dans l’espace qui sont ensuite semées et sélectionnées à leur retour sur Terre. Comme ils le font lors la sélection par mutation classique, les scientifiques s’efforcent d’identifier les plantes aux propriétés les plus utiles, et celles qui peuvent présenter un avantage par rapport aux variétés traditionnelles. Le blé, le riz et le coton ont déjà fait ce voyage dans l’espace.

Les rayons cosmiques et la microgravité ont de surcroît des effets sur la biologie végétale proprement dite. L’astrobotanique explore cet aspect à d’autres fins, à savoir déterminer les meilleurs moyens de faire pousser des plantes dans l’espace.

Face au changement climatique, l’AIEA et la FAO étudient les possibilités qu’offrent les technologies de pointe pour améliorer les cultures en recourant à la diversité génétique induite par irradiation, y compris la mutagenèse spatiale. (Infographie : Adriana Vargas/AIEA)

Quel est le rôle de l’AIEA ?

  • L’AIEA et la FAO s’emploient conjointement à aider les pays à concevoir et appliquer des technologies de sélection par mutation pour accélérer les processus de sélection qui interviennent dans la mise au point de variétés végétales.
  • Les laboratoires de l’AIEA qui s’occupent de la sélection des plantes à Seibersdorf (Autriche) servent de plaque tournante mondiale en matière de mutagenèse nucléaire : les pays peuvent y envoyer des semences, des boutures ou de jeunes pousses aux fins d’irradiation et bénéficier de conseils spécialisés pour améliorer leurs méthodes de sélection des cultures.
  • La base de données de l’AIEA sur les variétés de mutants répertorie les nouvelles variétés communiquées à titre volontaire par les pays. À ce jour, elle regroupe des informations sur quelque 3 400 variétés couvrant plus de 200 types de cultures provenant de 70 pays.
  • Face au changement climatique, le Centre mixte FAO/AIEA des techniques nucléaires dans l’alimentation et l’agriculture étudie les possibilités qu’offrent les technologies de pointe pour améliorer les cultures en recourant à la diversité génétique induite par irradiation, y compris la mutagenèse spatiale.

How can radiation be used to make plants evolve faster?

Mutation breeding uses genetic variations induced at the beginning of the plant breeding process to quickly develop large populations of improved crops, which can be further bred until a desired result has been achieved. This grants the mutation breeding method many comparative advantages: it is cost effective, quick, proven and robust, as well as transferrable, ubiquitously applicable, non-hazardous and environmentally friendly. Moreover, it has withstood the test of time — for several decades such spontaneous genetic variations have been induced in laboratories by irradiation.

Exposure to radiation induces changes in DNA, boosting mutation rates by 1 000 to 1 million-fold, which enables breeding plants more effectively and producing more crop variations in shorter time. For example, in 2021 a new cotton variety with improved agronomic performance and fibre quality was developed in Bangladesh in only five years.

There are two dimensions to the science of mutation breeding: mutation induction and mutant selection.

Mutation induction

Mutation induction is a process through which natural spontaneous mutation is sped up through biological, chemical or physical factors to improve desirable or targeted characteristics of a plant. Those include, but are not limited to, viruses and bacteria (biological), antibiotics and alkylating agents (chemical) or exposure to ionizing radiation (physical). Plant seeds are most commonly irradiated to induce mutations. However, for certain experiments whole plants, seedlings or only parts of the plant— pollen, spores or the stem of a plant — are irradiated. If the resulting mutations are not eliminated by the cell’s own repair mechanism, a heritable mutation is generated. The plants with the most promising mutations are bred further, until the researchers arrive at a substantially improved variant that can address the farmers’ needs.

Typically, scientists use specific technologies such as cobalt-60 radioactive sources or an X-ray machine for plant irradiation. Gamma rays from cobalt-60 have been the most commonly used mutagenic agent in the past decades. Other types of radiation such as α- and β-particles, fast neutrons or UV light have also been useful for plant mutation induction. Ion beam radiation and cosmic radiation are increasingly being used for this purpose as well, in order to explore the advantages of these methods in comparison with other types of radiation.

The Gamma Greenhouse in Malaysia, which continues to be used for plant irradiation (Photo:  U.S. Mission to International Organizations in Vienna)

Mutant selection

Mutant selection is the process of identifying plants that have been improved by induced mutation through irradiation. Mutations occur in such low frequencies that large numbers of seeds must be irradiated, grown and bred over different generations, until a desirable trait is developed. The time this process takes varies, since the development and analysis of mutant populations with, often, many thousands of individual plants, is a large undertaking and depends on the crop.

The process of identifying and selecting new plant varieties with improved traits involves two major steps: screening and validation. Screening and validation of visible and readily scorable characteristics of a new crop variety, such as early flowering or short stature, is straightforward. Other characteristics that are not so easily identifiable require the development and application of screening procedures specifically for the target characteristic, for example, salt tolerance in hydroponics or disease screening.

Researchers at Indonesia’s National Nuclear Energy Agency (BATAN) use irradiation to induce genetic alteration in crops and then select plants with new and useful traits (Photo: Yustantiana / BATAN)

Inducing mutation in space: How does space affect plant biology?

Space can be considered the harshest growing environment, since seeds, plants and plant materials in space are affected by cosmic radiation and microgravity. On the other hand, cosmic rays can help to produce mutations that could make plant varieties more enduring to the conditions on Earth, which are worsening because of climate change and other stressors.

Space mutagenesis, is a method that involves the use of cosmic rays in outer space to induce spontaneous mutations. Scientists typically send plant seeds into space, and then grow, screen and breed them once they return to Earth. As in conventional mutation breeding, scientists try to identify the plants with the most useful traits, and those which may provide an advantage over more traditional crop varieties. Wheat, rice and cotton have already visited space.

Moreover, cosmic rays and microgravity affect plant biology itself. This is being explored in astrobotany studies for a different purpose — to determine the best ways of growing plants in space.

You can read more about this technology here.

The IAEA and FAO explore front-end technologies in crop improvement under climate change using radiation-induced genetic diversity, including space mutagenesis (Infographic: Adriana Vargas/IAEA)

What is the role of IAEA?

  • Jointly with the FAO, the IAEA assists countries in the development and application of mutation breeding technologies to speed up their breeding processes in variety development.
  • The IAEA plant breeding laboratories in Seibersdorf, Austria, serve as the global hub for nuclear mutagenesis. Countries can send their seeds, plant cuttings or seedlings to the laboratories for irradiation and to recieve expert guidance on improving crop breeding methodology.
  • The IAEA’s Mutant Variety Database documents new varieties voluntarily contributed by countries. Currently, it covers around 3400 varieties from 70 countries, covering more than 200 different types of crops.
  • The Joint FAO/IAEA Centre of Nuclear Techniques in Food and Agriculture explores front-end technologies in crop improvement under climate change using radiation-induced genetic diversity, including space mutagenesis.